Elle fut l'une, sinon la plus grande voix de femme du cinéma français de ces 60 dernières années. Agnès Varda s'est éteinte hier à l'âge de 90 ans, devenue au fil des ans une icône mondiale, aimée et admirée des Etats-Unis au Japon, du Mexique à la Norvège, pour l'intelligence et la poésie de son regard de photographe et de cinéaste, mais aussi pour l'incessant combat qu'elle mena toute sa vie pour l'émancipation des femmes.
Les mots de tristesse et les messages de soutien affluent du monde entier, rue Daguerre où elle habitait depuis plusieurs décennies, dès l'annonce du dècès d'Agnès Varda, aujourd'hui 29 mars, à l'âge de 90 ans.
Agnès Varda, qui fut d'abord photographe, travaillant pour le TNP de Jean Vilar, puis cinéaste, devint la pionnière de la Nouvelle Vague avec La Pointe Courte, réalisé en 1955, que l'on considère comme le premier film de ce mouvement français, puis international, qui secoua le cinéma sur ses fondations et en fit un art affranchi, indépendant et libre.
Cette grande voyageuse qui, jusqu'aux derniers mois de sa vie, continuait à sillonner le globe pour rencontrer un public toujours renouvelé, exerçait un art poétique du cinéma, un langage universel, malicieux et ludique, qui faisait que ses films étaient universellement reconnus : 5時から7時までのクレオ, 幸福(しあわせ), 歌う女・歌わない女, 冬の旅, 落穂拾い, jusqu'au récent film qu'elle a réalisé avec la complicité de JR , Faces, Places, sorti dans près de 40 pays.
UniFrance a eu la chance de souvent voyager avec Agnès Varda, et loin : Japon, Etats-Unis, Chine... Partout elle dialoguait passionnément avec un public attentif et fidèle. Ces dernières années, nous l'avions notamment accompagnée à New York, pour les Rendez-Vous With French Cinema, et nous étions à ses côtés à Hollywood, un an plus tard, lorsqu'elle reçut un magnifique Oscar récompensant l'ensemble de son œuvre. Une cérémonie durant laquelle elle avait esquissé quelques pas de danse avec Angelina Jolie, et posé à côté de son ami Steven Spielberg. Elle était encore il y a quelques semaines à la Berlinale, où son documentaire Varda by Agnès était présenté en première mondiale.
La "petite dame de la rue Daguerre", farouchement indépendante, formidablement fidèle, laisse un héritage cinématographique et plastique – elle pratiquait avec bonheur l'art de proposer des "installations" dans des galeries et des musées, à Paris, Los Angeles et ailleurs –, mais aussi un héritage moral décisif : sa voix d'artiste femme fut l'une des plus actives et les plus persistentes de ces soixante dernières années. Là encore, elle fut une pionnière et une combattante.
Serge Toubiana, président d’UniFrance, qui l’a bien connue, souligne « son intelligence artistique et sa singularité, doublée d’une curiosité insatiable. Elle avait su dialoguer avec le public de ses films, partout dans le monde, comme personne. Comme si ses films parlaient de manière intime à notre oreille, nous montrant le monde et la vie matérielle de manière inédite. Je garde le souvenir d’un voyage avec elle à Pékin, en 2004. Elle revenait en Chine, après y avoir été en 1958. Nous étions dans la grande salle de la Cinémathèque chinoise, en train de préparer la soirée au cours de laquelle devait être projeté ジャック・ドゥミの少年期. Le projectionniste chinois faisait des essais, Agnès entendit soudain la voix de Jacques Demy, sur l’écran, et s’évanouit, au son de cette voix qu’elle aimait tant. J’ai dû la réveiller. Elle semblait revenir d’un songe… »
Pour Isabelle Giordano, directrice générale d'UniFrance, "Agnès Varda était l’une des rares cinéastes françaises à pouvoir faire rayonner l’originalité de son cinéma à travers le monde. Elle exerce encore aujourd’hui une force d’attraction sans pareille auprès de tous les publics, dans tous les pays, et de toutes générations. Je me souviens aussi de sa générosité vis-à-vis des jeunes étudiants américains et de sa capacité bienveillante, lorsque nous étions à New York, à endosser le rôle d’ambassadrice pour l’ensemble du cinéma français et notamment avec nos jeunes réalisatrices."