De la France à la Finlande, la série documentaire "Gaialand" invite à revivre le parcours d’une communauté idéaliste, dont le rêve de sauver la planète a fini par tourner au cauchemar. Elodie Polo Ackermann, productrice de la série chez Imagissime, et Arianna Castoldi , responsable des ventes des programmes documentaires chez Mediawan Rights, nous en disent plus sur cette co-production européenne qui sera diffusée à l’automne prochain.
Unifrance : Entre la France, la Finlande et la Belgique, "Gaialand" est un projet européen autant par son histoire que par sa production. Comment est née cette collaboration et l’envie de raconter ce récit qui transcende les frontières ?
Elodie Polo Ackermann : Chez Imagissime, la coproduction internationale est depuis toujours dans notre ADN. Après la production de "Grégory", je cherchais de nouvelles idées à développer sous la forme de série documentaire ambitieuse. Et c’est lors d’un séminaire créatif organisé par le groupe Mediawan que je suis tombée sur un pitch intrigant. Une société finlandaise du groupe (Aito Media) avait déniché l’histoire abracadabrante, et vraie, d’un groupe d’idéalistes écologistes avant l’heure vivant dans les années 80 comme des Indiens, ballotés à travers l’Europe par un chaman énigmatique et malveillant. Les Finlandais avaient accès à des centaines d’heures d’archives tournées au cœur de cette communauté, notamment dans le grand Nord. Histoire palpitante, archives inédites, témoins directs, arène européenne : tous les ingrédients étaient réunis pour un projet documentaire de grande envergure. Et les trois diffuseurs publics à qui nous avons présenté le projet lors de la Berlinale en 2020 (ARTE, RTBF, YLE) ont immédiatement accroché !
Dans un contexte d’urgence climatique, l’histoire de cette communauté utopiste dont le rêve était de sauver la planète a une résonance particulière, pouvez-vous nous en parler dans ses grandes lignes ? Quel écho pensez-vous qu’elle peut avoir aujourd’hui ?
EPA : La prise de conscience écologique de nos personnages et leurs convictions font immédiatement écho à ceux de la jeunesse d’aujourd’hui. Véganisme, marche pour la planète, respect absolu de la nature, conscience du risque climatique… La différence, c’est que dans les années 80 en France, ils ne sont encore qu’une poignée à être attentif à ces sujets environnementaux. Mais les thèmes sont très similaires : c’est effrayant !
Pour nos personnages en particulier, l’expérience va trop loin et les mène à leurs propres limites : sans spoiler la série, on apprend comment ce rêve est, petit à petit, sali et instrumentalisé par la folie du leader de la communauté, et va tourner au cauchemar. Nous voulons qu’elle reflète à la fois la beauté de l’engagement des personnages, mais représente aussi une forme de mise en garde contre toute forme de manipulation et d’extrémisme. Le public d’aujourd’hui et les jeunes en particulier y seront sûrement sensibles !
Cette série documentaire explore une nouvelle forme d’écriture du réel, empruntant à la fois aux codes du documentaire et de la fiction. Quelles sont les singularités et les forces de cette écriture ?
EPA : Le point commun avec la fiction, c’est surtout que nous mettons l’histoire et la dramaturgie au centre. Nous voulons faire vivre au spectateur des émotions fortes qui le poussent à une réflexion sur le monde et sur l’époque. À travers cette forme, nous proposons une “expérience” cinématographique. Comme en fiction, l’équipe créative conçoit l’arche de la série et celle des personnages. La série se construit sans voix off mais avec des personnages forts, des archives qui permettent de s’immerger complètement dans l’histoire, des images d’évocation cinématographiques et une musique originale puissante (composée par Yuksek ).
La différence avec la fiction, c’est que la matière première, narrative et visuelle, est le réel. Et même si à l’arrivée la structure narrative paraît naturelle, elle est de fait complexe et sophistiquée.
L’équipe française de "Gaialand" est dirigée par la réalisatrice Yvonne Debeaumarché qui a développé un grand talent pour ce genre de série. Elle avait d’ailleurs déjà fait partie de l’équipe de "Gregory" (Netflix) aux côtés de Gilles Marchand.
Le format "série documentaire" est de plus en plus prisé sur les plateformes, mais peut paraître moins évident pour les diffuseurs linéaires. Comment avez-vous réussi à fédérer les diffuseurs et partenaires autour du projet ?
EPA : Je crois qu’il y avait déjà un enthousiasme très fort pour l’histoire, sa dimension européenne et la proposition d’une narration innovante. Il y a également la promesse d’une vraie coproduction multilatérale, dans laquelle les trois pays créent et prennent les risques ensemble : avec des équipes créatives françaises, finlandaises et belges.
Parmi les trois diffuseurs publics, YLE, le finlandais, le diffusera sur sa plateforme Arena. Pour les diffuseurs linéaires, la programmation d’une série documentaire est toujours un pari sur l’audience, mais ils sont de plus en nombreux à s’y mettre vu le nouvel et grandissant appétit du public pour ce genre.
C’est un regard européen posé sur une histoire universelle, au-delà des trois pays présents au cœur de l’intrigue. Avez-vous des premières pistes pour une diffusion dans d’autres territoires ?
Arianna Castoldi : La série est distribuée par Mediawan Rights. Elle est encore sous embargo mais elle suscite déjà beaucoup d’intérêt. Et nous évaluons la meilleure stratégie possible entre plateforme et diffuseurs linéaires.
La diffusion est prévue pour l’automne, et la série, actuellement en montage, sera finalisée en juin. Quelles sont vos ambitions pour l’export du programme à l’international ?
AC : Nous souhaiterions avoir une première exposition en festival – d’ailleurs l’équipe de vente la présentera aux programmateurs lors du prochain Festival de Cannes. Aujourd’hui, certains festivals de catégorie A s’ouvrent à la série documentaire et ce type de programme est encore très rare sur le marché. Ce serait une formidable visibilité pour la création européenne !
Gaialand est une coproduction Imagissime, Aito Media (Finlande) et Les Gens (Belgique), ARTE GEIE, RTBF, YLE, avec la participation de DR, Mediawan Rights, et le soutien de Finish Film Foundation, de Creative Europe Programme – Media, du CNC et de la Procirep Angoa.