Depuis 2016, la série d’animation jeunesse Grizzy and the Lemmings a fait le tour du monde, que ce soit sur les écrans de télévision ou par le biais des aventures de ses personnages. Josselin Charier, co-créateur de la série et co-fondateur de HARI, nous raconte comment est née l’idée de ce spin-off intitulé Baby Lemmings, comédie slapstick douce et bienveillante mettant en scène d’une toute nouvelle manière les personnages des lemmings. Sophie Prigent directrice de la distribution, nous explique de son côté en quoi cette nouvelle création a tout pour séduire les diffuseurs et les jeunes enfants.
Unifrance : Baby Lemmings est le spin-off de Grizzy and the Lemmings, qui connaît un succès mondial ! Comment sont nés les personnages de Grizzy and the Lemmings ? Comment est née la série ?
Josselin Charier : Pour Antoine [Rodelet, NDR] et moi, les génériques des "Looney Tunes" ou des "Merry Melodies", les célèbres séries de Warner Bros, étaient, durant nos jeunes années, le signal de départ d'un moment de pur divertissement immanquable.
Ces classiques du dessin animé, découverts à la télévision, ont forgé notre imaginaire, notre sens de l'humour, et au final, nous ont donné envie de faire ce métier ! C'est avec la volonté un peu folle de faire aussi bien qu'eux que nous nous sommes lancés dans la production de Grizzy and the Lemmings.
Évidemment il ne s'agissait pas de recopier nos illustres références, ni de nous lancer dans un exercice de style "à la manière de". Mais plutôt d'inventer de dignes descendants à ces héros, en les inscrivant dans la filiation de la comédie physique animée et non dialoguée. De nouveaux héros donc, un nouvel univers, aussi, mais une écriture qui joue sur les attentes du spectateur (et les déjoue), un sens du rythme et du timing maîtrisé, des idées délirantes, dans le cadre d'une logique narrative néanmoins implacable.
Nous avons su dès le départ que nous voulions mettre en scène un duo conflictuel. Et alors que nous commencions à travailler sur le concept de la série, nous avons découvert un documentaire produit par Walt Disney en 1958 sur les lemmings. C’est dans ce film qu’on peut voir la fameuse scène où des centaines de lemmings se jettent en masse, sans réfléchir (et sans savoir plonger !) du haut d’une immense falaise. Impressionnés par la stupidité́ et la témérité́ de ces petits mammifères, nous avons immédiatement compris qu’ils avaient un gros potentiel en tant que héros de dessin animé. Mais il paraissait difficile de leur faire prendre part à un duo puisque ces rongeurs vivent exclusivement en groupe...
Et pourquoi pas, finalement, si – au lieu d’individualiser les lemmings – on considérait un groupe de lemmings comme un seul personnage, à la fois unique et pluriel ? Dans ce cas, l’animal le plus antagoniste au profil des lemmings serait sans conteste possible l’ours grizzly. Ils sont petits, il est gros ; ils sont nombreux, il est seul. Ils sont rapides, il est fort. C’est un duo antagoniste parfait !
D’où est venue l’idée de faire un spin-off ?
JC : Les séries "slapstick" ne sont pas adaptées au public des préscolaires – car l’humour repose en partie sur des conflits débridés, où les personnages en font toujours trop.
Avec Antoine, on savait pourtant que par son aspect non dialogué, le registre "cartoon" est un mode de narration totalement adapté au jeune public. Les séquences de pure comédie physique des classiques de Disney (celle avec Bambi sur la glace, par exemple !) ont marqué toutes les mémoires. Nous avions donc l’envie de produire une série qui puisse être une forme d’introduction à la comédie physique cartoon pour les plus jeunes, sans mettre en scène de comportement qui poserait problème s'il était imité.
Nous avons exploré pas mal de pistes – en excluant d’abord les lemmings, dont le comportement nous semblait trop fou, trop excessif et trop dangereux pour les plus jeunes. Et à la réflexion, on a compris que l’ADN des lemmings était de faire du monde un terrain de jeu – puisqu’ils transforment tout (y compris un conflit avec Grizzy) en jeu !
En imaginant un univers avant la rencontre avec Grizzy, avec des lemmings beaucoup plus jeunes et totalement kawaï – des 'Baby Lemmings' – on pourrait développer une narration fondée sur cet ADN (le goût du jeu) en développant une narration adaptée aux plus jeunes avec des séquences de pure comédie physique cartoon, ce qu’on appelle entre nous, du "gentle slapstick" !
Quels sont les ingrédients communs à Grizzy and the Lemmings et à Baby Lemmings qui assurent la continuité de l’univers ?
JC : Ce qu’il y a de commun, c’est le caractère des lemmings et leur philosophie de la vie qui se situe quelque part entre "Don’t worry, be happy", "You only live once", "World is your oyste" et "World is a playground". Les lemmings – bébé ou pas – incarnent l’esprit des enfants : ils sont curieux, joyeux, enthousiastes, joueurs, innocents, super mignons – et jamais fatigués !
Au contraire, en quoi Baby Lemmings se distingue-t-elle ?
JC : Pour que le programme soit parfaitement adapté aux plus jeunes, le monde de Baby Lemmings est beaucoup plus doux, naturel et poétique que celui de Grizzy and the Lemmings.
Plus doux : dans Baby Lemmings, il n’y a pas de personnage qui incarne – comme Grizzy dans Grizzy and the Lemmings – une opposition radicale au groupe de rongeurs. C’est un monde où les conflits existent, bien sûr, mais grâce à leur créativité, les Baby Lemmings trouvent toujours une solution pour les régler. Ici, le happy ending est la règle !
Plus naturel : l’action ne se passe pas dans la cabane du Forest Ranger, on tient donc à distance tous les accessoires humains, en particulier les appareils technologiques – ainsi que la pâte à tartiner chocolatée dont raffole Grizzy.
Les Baby Lemmings vivent au bord d’un lac. Et ce sont les éléments du cadre naturel dans lequel ils vivent qui sont pour eux source de jeux. Au fil de leurs pérégrinations, les lemmings rencontrent également les autres habitants de la forêt (écureuil Tamia, castor, orignal) et ces rencontres sont pleines de surprises !
Plus poétique : le monde est vu à hauteur des personnages – et donc à hauteur d’enfant. La vision des lemmings nous permet de faire partager (ou retrouver) l’émerveillement devant les beautés et les ressources de la nature, une forme d’innocence, le plaisir de profiter de ce qui se présente à nous, une créativité sans borne, le goût de jouer – un enthousiasme et une joie qui ne se démentent jamais !
En termes de mise en scène, l’idée est de se placer le plus possible à hauteur de nos personnages (petits en taille !) pour découvrir le monde avec leurs yeux. Loin du rythme trépidant de Grizzy and the Lemmings, nous souhaitons un montage beaucoup plus posé. La caméra prendra le temps d’accompagner les Baby Lemmings dans leurs découvertes, leurs maladresses, leurs émerveillements, leurs tentatives. Et si les Baby Lemmings sont loin d’être des contemplatifs, la caméra se fera en tout cas oublier pour mieux mettre en valeur leur acting.
Sophie Prigent : En termes de diffusion, on parle de chaînes/services ou de slots de diffusion différents, nous serons par exemple sur Cartoonito avec Warner et Toggolino avec Super RTL.
Dans chaque épisode de Baby Lemmings, nos héros rencontrent un bébé animal en difficulté. Cela peut concerner une réticence à socialiser, à partager, ou des peurs enfantines, comme la peur du noir. Il peut également s’agir de frustrations face à des tâches difficiles à accomplir, comme le bébé castor qui a du mal à construire son barrage.
Quels nouveaux défis d’écriture cette série pré-scolaire a-t-elle posés, notamment pour vous adapter à un public si jeune ?
S'K'P : Baby Lemmings cible une audience preschool, le storytelling doit être adapté pour les enfants plus jeunes que l’audience habituelle de Grizzy and the Lemmings (6+).
JC : Au-delà de la bienveillance et de la douceur qui sous-tendent la narration, nous faisons toujours attention à ce que les comportements des Baby Lemmings ne soient pas problématiques s’ils sont copiés. Pour nous assurer que nous prenions en compte tous les prérequis pour nous adresser aux 4+, nous avons consulté le docteur Laura Brown, psychologue de renom pour enfants qui a travaillé avec de nombreux créateurs de contenus (Warner, Disney, Dreamworks etc.).
Nous respectons les "standard & practices", c’est-à-dire les règles établies par les chaînes et plateformes pour encadrer le contenu des programmes et qui impliquent certains standards éthiques, moraux, comportementaux à respecter : par exemple lorsqu’un personnage tombe dans l’eau, nous veillons à ce qu’il garde la tête hors de l’eau – signe qu’il respire !
A-t-il été facile de convaincre les partenaires qui vous avaient déjà accompagnés pour Grizzy and the Lemmings ?
S'K'P : Aujourd’hui tout le monde est à la recherche de franchises, et la série Grizzy and the Lemmings, exposée depuis 8 ans avec un succès global, en est une ! Elle est effectivement un tel succès pour nos partenaires qu’ils étaient très enthousiastes à l’idée d’un spin-off preschool kawaï, une proposition plus douce mais toujours slapstick pour le plus grand plaisir des petits cette fois !
Et le timing est particulièrement intéressant pour Warner qui met l’accent sur Cartoonito et est de ce fait friand de bon contenu preschool.
Grizzy and the Lemmings cartonne, notamment sur Netflix ou sur YouTube, quelle est votre stratégie pour la diffusion de Baby Lemmings ?
S'K'P : Nous créons des propriétés premium avec un storytelling soigné et une qualité visuelle proche de celle du grand écran, communément appelée "feature-TV". Cela nous permet de nous projeter sur une diffusion similaire à celle de Grizzy and the Lemmings : nous avons, comme pour la série originale, signé un accord pan-régional avec Warner pour la diffusion pay TV ; France Télévisions et Super RTL ont ouvert la voie en tant que diffuseurs publics et commerciaux en free to air. SVT s’est déjà engagée pour une diffusion après le holdback de Warner, Télé-Québec s’est également engagée, et d’autres contrats linéaires sont en cours de signature.
La tendance actuelle des plateformes SVOD pour les programmes jeunesse est à l’acquisition, ce qui signifie que ces discussions interviennent dans un second temps. Nous disposons également d’une flexibilité sur YouTube, avec quelques épisodes, des compilations et des clips que nous pourrons exploiter pour faire vivre la propriété sur cette plateforme incontournable (70 % du contenu YouTube est consommé sur les télévisions connectées). Cela représente un soutien de taille pour les diffuseurs et les plateformes, car cela renforce l’attractivité du contenu que les enfants peuvent retrouver dans son intégralité sur leurs chaînes et plateformes.
Quelles sont vos ambitions pour le développement de la propriété ?
JC : Nous souhaitons d’abord maintenir le “momentum” en produisant de nouvelles saisons de Grizzy and the Lemmings. Depuis 2016, date du lancement de la première saison, nous avons financé et produit en moyenne une nouvelle saison tous les deux ans. L’idée est de poursuivre sur ce rythme puisque nous constatons un véritable cercle vertueux – gain de popularité, pics d’audience, audience plus large – à chaque fois qu’une nouvelle saison est lancée !
Après les saisons 1 et 2 basées au Canada, le World tour de Grizzy and the Lemmings pendant les saisons 3 et 4, c’est à travers le temps que nos héros vont voyager dans les saisons 5 et 6 désormais en préparation !
Par ailleurs, nous développons une stratégie de marque autour de l’IP avec la volonté d’entrer de plain-pied dans le monde du consumer product. L’objectif à terme, c’est que HARI ne soit plus seulement une société de production visuelle, mais un créateur d’IP qui sont exploitées à 360 degrés.
S'K'P : Dans cette perspective, nous avons participé au Licensing Show à Las Vegas et au BLE à Londres. Nous avons initié des discussions avec des Master Toy pour développer des gammes de jouets Grizzy and the Lemmings – mais aussi des agents de licence pour représenter la marque partout dans le monde.
En parallèle, nous avons initié de premiers deals de licensing en France et en Grande-Bretagne :
- Dans le domaine de la restauration rapide, nous avons organisé une première opération dans les 300 restaurants KFC en France : 500 000 livres Grizzy et les Lemmings (adaptés des épisodes de la série) ont été distribués avec le menu enfant à la rentrée !
- Dans le domaine de l’édition nous sommes très fiers d’avoir signé avec Hachette, qui publiera un premier album "Grizzy et les Lemmings" dès le premier trimestre 2025.
- Nous développons par ailleurs une première collection textile avec Fashion UK. Les vêtements seront vendus dans les magasins Primark dès décembre, en Angleterre puis dans le reste de l’Europe dans le courant de l’année 2025.
Quelles sont les autres actualités de HARI ?
S'K'P : Mystery Lane est nominé pour un “International Emmy® Award” !
Le "Special Noël" de Mystery Lane, intitulé Enquête Blanche (White Investigation) (1x44‘) sera livré courant novembre, France Télévisions le diffusera le 24 décembre ; il sera aussi diffusé en Europe de l’Est sur la chaîne Minimax, en Norvège sur NRK, en Suisse sur RTS et au Canada sur Télé-Québec. Nos autres chaînes partenaires le diffuseront au Noël prochain.
La saison 2 de Mystery Lane est en développement, après un succès colossal en France – 7 millions de vues et dans le top 3 des séries les plus regardées sur Okoo depuis son lancement en août 2023 et un succès similaire pour tous nos autres partenaires… Nous avons signé plusieurs offres de préachat et d’autres sont en discussion. Les premiers épisodes devraient être livrés fin 2026.
Nous livrons aussi notre nouveau show slapstick sans dialogue The Weasy Family en 2025, les premiers épisodes seront disponibles dès avril et seront diffusés par France Télévisions, Super RTL et la BBC. Ici, HARI innove dans le genre en combinant comédie slapstick et narration touchante avec des enjeux émotionnels au cœur de l’histoire, c’est du slapstick bienveillant que nous propose l’histoire de Weasy, un père-belette et ses filles-canettes, qui saura résonner autant chez les enfants que chez les parents !