Le CNC et Unifrance se sont réunis ce matin mercredi 18 octobre pour présenter les chiffres consolidés des ventes et des entrées des films français sortis à l’étranger en 2022 dans le cadre du bilan de l’export cinéma 2022 (présentation téléchargeable via ce lien) En présence de Cécile Lacoue, directrice des études, des statistiques et de la stratégie du CNC, et de Gilles Renouard, directeur du cinéma d’Unifrance.
L’année 2022 peut être identifiée à juste titre comme celle qui amorce la reprise du secteur du cinéma post-Covid-19, et les résultats de 2022 confirment l’importance capitale de la salle et des festivals dans le cycle d’exploitation d’un film. Le cinéma français affiche à l’international des valeurs en forte hausse par rapport à l’année précédente, réduisant ainsi le retard avec les standards d’avant la pandémie.
Le cinéma français cumule 31,3 millions d’entrées et 201,5 M€ de recettes à l’international en 2022. La fréquentation progresse de 75,4 % en un an et le retard avec la moyenne des trois années pré-pandémie se réduit à -46,2 %. Pour la cinquième année consécutive, les productions hexagonales mobilisent plus de spectateurs en France qu’hors des frontières, où elles sont exposées aux aléas des marchés étrangers et privées de quelques propositions fortes qui seront lancées en 2023. Pour la cinquième fois depuis 2013, la part des entrées françaises sur le total des entrées en salle dans le monde dépasse 2 %, ce qui prouve que l’évolution de la fréquentation annuelle de la cinématographie hexagonale (France + international) est proportionnellement plus forte que celle du marché mondial. L’année 2022 est à marquer d’une pierre blanche en ce qui concerne l’offre tricolore sur les écrans étrangers : 1 222 films sont recensés, dont 291 inédits, et 3 055 nouvelles sorties. Des records historiques ! On assiste aux démarrages de films frais, de films également nouveaux mais dont le lancement a été retardé par la crainte des soubresauts des marchés, et de titres non inédits dont les démarrages locaux ont été repoussés pour la même raison. Tout cela est donc à l’origine d’une offre riche et diversifiée, inévitablement concurrentielle, mais essentielle pour donner envie à un public le plus large possible de retrouver le plaisir de découvrir les œuvres sur grand écran, un objectif partagé par tous les professionnels du cinéma indépendamment de leur positionnement dans la filière et de leur origine géographique. La hausse du nombre de films français exploités étant proportionnellement moins importante que celle du cumul des entrées annuelles, il n’est donc pas étonnant de découvrir que le résultat moyen par film s’établit à 25 500 spectateurs (19 000 en 2021, 52 000 en 2019). En plus, ce sont les productions fédérant moins de 50 000 et plus de 1 million de spectateurs qui voient leurs rangs s’étoffer. Résultat : une concentration de plus en plus accrue du public sur un nombre réduit d’œuvres, notamment l’offre familiale et l’animation, qui vient creuser un profond écart entre les gros succès et les succès moyens.
C’est un film de financement minoritaire qui coiffe le classement des productions françaises à l’international en 2022 : Triangle of Sadness. 6 autres œuvres franchissent la barre symbolique de 1 million de spectateurs, dont les productions majoritaires Serial (Bad) Weddings 3, Pil et The Wolf and the Lion. Au total, 7 films millionnaires s’illustrent en 2022 (soit autant qu’en 2018 et en 2019 !) et 61 autres dépassent les 100 000 tickets vendus (68 en 2019). Sur les 20 plus gros succès de 2022, 14 réalisent plus d’entrées à l’étranger que sur le territoire français, alors qu’on en comptabilisait 7 en 2021 et habituellement une dizaine au fil des années précédentes. L’année 2021 voyait la domination des productions minoritaires (une première) et de celles en langue étrangère, tandis que les rapports de force s’inversent en 2022, l’année étant marquée par un retour des spectateurs de productions majoritairement françaises et de productions en langue française (ces dernières affichent des ratios de reprise bien supérieurs et plus proches des niveaux d’avant pandémie que ceux du cinéma français dans sa globalité), et par quelques productions minoritaires et quelques productions en langue étrangère très plébiscitées.
Si la répartition des entrées selon le genre voit son tiercé de tête confirmé (comédie, animation et drame), ce sont les équilibres en son sein qui changent une fois encore. Après avoir cédé le haut du podium en 2021, la comédie/comédie dramatique s’affirme de nouveau comme le genre séduisant le plus de spectateurs à l’international. Portées par une reprise amorcée sur les marchés européens, traditionnellement friands de ce genre, et par une offre renouvelée et attractive, les comédies/comédies dramatiques sont à l’origine de 1 entrée sur 3 du cinéma hexagonal en salle à l’étranger en 2022, leur plus haute part des dix dernières années ! Par ailleurs, elles affichent le deuxième plus petit recul sur la moyenne 2017-2019 tous genres confondus (-22,8 %) après celui de l’animation (-9,7 %), qui monte à la deuxième place du podium. Ses entrées de 2022 dépassent même l’indicateur moyen de la décennie et représentent 1 ticket sur 4, là aussi la plus haute part des dix dernières années pour ce genre. Grâce au doublage, pratiquement obligatoire pour atteindre les cinéphiles les plus petits, et à une offre qui s’étoffe d’une année à l’autre, l’animation partage désormais le rôle d’ambassadeur privilégié de la production tricolore à l’international, notamment sur les marchés moins francophiles. Seuls deux genres séduisent moins de spectateurs que l’année précédente : le drame (c’est le public plus jeune qui est davantage revenu en salle et la demande porte principalement sur les films familiaux) et le fantastique/horreur/science-fiction (privé de titres locomotives forts). L’aventure/policier/thriller et le documentaire reprennent des couleurs. Les films classés Art et Essai, dont l’offre incontournable se compose à la fois de nouveaux titres et d’un catalogue de films de patrimoine très riche et demandé, font partie intégrante de l’ADN du cinéma français vu de l’étranger. En 2022, ils réunissent de nouveau plus de 10 millions de cinéphiles, et il est précieux de remarquer que le rattrapage de l’offre d’Art et Essai par rapport à la période 2017-2019 est plus favorable (-38,6 %) que celui des titres non classés (-50,2 %) et que celui du cinéma français dans sa globalité (-46,2 %). Aucune production à gros budget ne fait sensation sur grand écran : ce sont celles au budget compris entre 5 M€ et 20 M€ qui tirent leur épingle du jeu et concentrent près de 70 % des entrées annuelles.
L’Europe se confirme comme étant la première zone d’exportation du cinéma français en 2022. Ce qui surprend et qui donne à réfléchir est de constater qu’elle capte 70 % des entrées annuelles, une première, ce qui implique que les parts des autres continents perdent du terrain (hors Amérique latine), bien qu’on comptabilise globalement plus de spectateurs qu’en 2021 (hors Asie et Océanie). La progression de la fréquentation des films français est supérieure à celle des marchés locaux en Europe occidentale, en Europe centrale et orientale et en Afrique & Proche et Moyen-Orient ; par ailleurs, c’est ici qu’elle se rapproche le plus de son niveau d’avant Covid-19. Bien que l’Allemagne s’illustre comme premier marché selon les entrées, c’est la partie Est du Vieux Continent qui fait sensation : bien qu’impactée par les conséquences de l’invasion russe de l’ウクライナ, elle offre aux productions hexagonales leur meilleure saison et ces dernières participent activement au retour en salle des spectateurs locaux, notamment en Pologne, nouveau leader régional. Les saisons en or du cinéma français en Amérique du Nord et en Asie étant indissolublement liées aux cartons de films d’action en langue étrangère à gros budget, inévitablement, l’absence d’une telle offre depuis 2018 explique l’apport plus limité de ces zones et leurs plus grandes difficultés à renouer avec les standards d’avant la pandémie.
En ce qui concerne les festivals internationaux, il est indéniable que 2022 est une grande année pour la France, car elle occupe une place qui n’avait jamais été si importante au sein des 10 festivals ici étudiés pendant les dix dernières années. La cinématographie française est celle qui compte le plus de films sélectionnés (238, plus de 1 sur 5), le plus de présentations (353, plus de 1 sur 4) et le plus de prix gagnés (50) en 2022. À l’exception des 2 festivals nord-américains, elle présente plus de films que les États-Unis dans 8 festivals et sa présence est particulièrement solide à Cannes, à Busan, à Locarno et à la Berlinale. Elle tire profit de l’augmentation du volume global de titres sélectionnés en 2022 (+36 titres hexagonaux en un an). Les films français circulent beaucoup entre les 10 manifestations : 27 des 51 titres sélectionnés par 3 ou 4 festivals sont de nationalité française. Ce leadership ne serait pas atteint et conservé au fil des années sans prendre en compte la nature multiculturelle de la cinématographie française, car 3 films sur 4 sont le fruit de la coproduction entre 2,1 pays en moyenne, pour un total de 76 pays étrangers partenaires. Si le français est la deuxième langue la plus parlée dans les 985 films dévoilés en 2022 après l’anglais, et la première parmi les 238 films hexagonaux, dans ces derniers on peut entendre 59 autres langues. Privé de coproductions, le cinéma hexagonal serait fragilisé. La France peut s’enorgueillir de deux résultats de haute volée en 2022. En premier lieu, le nombre d’œuvres tricolores signées par des réalisatrices augmente et atteint 36 % du total, s’alignant ainsi sur la moyenne globale toutes nationalités confondues. En deuxième lieu, elle remporte à la fois un Grand Prix à Cannes, un Lion d’argent et un Ours d’argent, récompenses que l’on doit à des œuvres réalisées par deux femmes, Claire Denis et Alice Diop.
L’offre française est riche et diversifiée, multiculturelle ; elle met en valeur tous les genres, elle se compose à la fois d’œuvres inédites et de patrimoine ; elle brille constamment au sein des festivals et est identifiée par les professionnels et les publics étrangers. Grâce à tous ces atouts, ainsi qu’on tissu de professionnels œuvrant pour sa création et sa diffusion, le cinéma français conserve et renforce sa place sur l’échiquier mondial en 2022, et les tendances qui se dégagent de l’analyse de ses performances sont globalement positives.
Les grands indicateurs des films français à l'international en 2022
En salle :
- 31,3 millions d'entrées et 201,5 millions d'euros de recettes.
- 19,8 millions d'entrées pour les productions majoritairement françaises et 22,6 millions pour celles en langue française.
- 1 222 films en exploitation (dont 291 inédits) et 3 055 nouvelles sorties.
- 7 films dépassant 1 million d'entrées et 61 100 000 entrées.
- L'Europe occidentale (14,2 millions) et l'Allemagne (3,0 millions) sont respectivement la première zone géographique et le premier pays en nombre de spectateurs.
Dans les festivals internationaux* :
- 238 films français sélectionnés et 353 présentations.
- La France demeure le premier pays en nombre de films, de présentations et de prix remportés.
- 1 film français sur 3 est signé par une réalisatrice.
- 1 Grand Prix, 1 Lion d'argent, 1 Ours d'argent et 47 autres prix officiels.
* Les 10 festivals étudiés sont : Bafici, Berlin, Busan, Cannes, Locarno, Rotterdam, San Sebastián, Sundance, Toronto et Venise.
Depuis sa création en 1994, le bilan annuel d’Unifrance récolte et analyse les résultats des films français à l’international, et son contenu a évolué et s’est enrichi au fil des années. Le bilan des films français à l'international se compose d'une analyse globale sur les résultats en salle, de 67 fiches pays (dont une quinzaine enrichies d'une mini-fiche SVOD) et de l'analyse de leur présence au sein des festivals internationaux. Parmi toutes les cinématographies existantes, aucune ne peut se prévaloir d’un tel ouvrage, qui est unique en son genre.
Le bilan 2022 et la présentation de l'étude CNC Unifrance sont téléchargeables ci-dessous (en français uniquement)
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Unifrance - Bilan cinéma - 2022