La mini-série événement The Plague revisite le roman d’Albert Camus dans un futur proche du nôtre, faisant écho au Covid et aux maux de notre société actuelle. Georges-Marc Benamou, co-auteur et producteur de la série chez Siècle Productions, expert et passionné d’Albert Camus, nous raconte comment il s’est lancé dans l’adaptation du célèbre roman avec le soutien de la fille de l'écrivain.
Katia Sol, distributrice internationale de la série chez Oble, nous explique pourquoi sa société a souhaité porter ce projet universel et extrêmement prometteur au-delà des frontières françaises.
Unifrance : Votre envie d’adapter "La Peste" de Camus était-elle préexistante à la crise du Covid ? Est-ce un projet qui est né à ce moment précis ?
Georges-Marc Benamou : Le désir de « La Peste » existait bien avant le Covid, mais disons qu’il a été réactivé par le Covid... Comme pour des milliers de personnes à travers le monde, "La Peste" a frappé mon imaginaire dès l’adolescence. J’ai vécu – et je ne suis pas le seul – avec ces « résistants » de Camus, que sont le docteur Rieux, Tarrou, le père Paneloux, ou le journaliste Rambert. Le projet a pris forme après la diffusion de mon documentaire "Les vies d’Albert Camus", qui a rencontré un large public. Le Covid est ensuite arrivé, qui a rendu encore plus désirable ce livre pour de nombreux producteurs à travers le monde – puisque avec la pandémie, "La Peste" est redevenu le livre le plus lu au monde…
Pour ce projet d’adaptation, vous avez bénéficié de l’appui de la famille d’Albert Camus. Comment s’est passée la rencontre et comment avez-vous réussi à nouer une relation de confiance ?
Georges-Marc Benamou : Catherine Camus, la fille d’Albert Camus, a soutenu ce projet. Il faut savoir que Catherine Camus est l’indispensable « passeuse » de l’œuvre de son père. Elle nous a accompagné avec sensibilité et bienveillance, et nous a même conseillé sur le casting – comme l’idée magnifique de faire appel à Frédéric Pierrot pour le très central Docteur Rieux. Je crois, j’en suis certain, qu’elle a beaucoup aimé la série qu’elle a vue et qui, selon elle, est fidèle au message d’Albert Camus.
Dans la série, les éléments fidèlement adaptés du roman se mêlent aux éléments de fiction repensés pour ce nouveau récit. Comment avez-vous articulé adaptation fidèle et réécriture ?
Georges-Marc Benamou : Nous avons, toujours avec l’assentiment de Catherine Camus, transposé la peste de 1940 à Oran en une autre peste qui, elle, se déclenche dans le Sud de la France, en 2030, dans une société autoritaire, "poutinisée", fondée sur la surveillance généralisée. C’était pour nous la meilleure manière de rester fidèle à l’esprit de résistance de ce grand livre : en désignant les totalitarismes nouveaux qui menacent notre époque.
Vous avez co-écrit la série avec Gilles Taurand (César du Meilleur Scénario), Antoine Garceau (Call My Agent!) est à la réalisation et un très beau casting est réuni. Comment cette équipe artistique s’est-elle fédérée autour du projet ?
Georges-Marc Benamou : Gilles Taurand est un très grand scénariste. C’est aussi mon ami et complice. Nous avons adapté ensemble 仮題:シャン・デ・マルスの散策者 (César 2006), d’après mon premier livre ("Le Dernier Mitterrand", Plon). Au moment de chercher un réalisateur, il m’a conseillé de voir "Les Particules élémentaires", l’excellente adaptation du roman de Houellebecq par Antoine Garceau. Et j’ai été convaincu, ainsi qu’Anne Holmes.
La série prend la forme d’une dystopie, qui projette le spectateur dans une société totalitariste où les libertés sont en passe de disparaître. Un groupe de résistants, profondément humanistes, se rassemble aux côtés du Docteur Rieux. Pourquoi avoir dépeint une telle société ?
Georges-Marc Benamou : Parce qu’elle est celle que décrit Camus, dès l’origine ! "La Peste" est la métaphore du totalitarisme, quels que soient ses atours. Hier, pour Camus, le fascisme et le nazisme. À présent, d’autres totalitarismes, régimes illibéraux, contrôle généralisé, IA sans règles, racisme sur les réseaux, obsolescence de l’homme… sont d’autres menaces mortelles. Et c’est contre cela, hier comme aujourd’hui, que se lèvent les « résistants » de The Plague.
Katia Sol, quels ont été les éléments qui ont poussé Oble à se positionner sur la distribution internationale de The Plague ?
Katia Sol : Nous voulions, pour le lancement d’une première série française dans notre line-up, une série d’envergure. Représenter à l’international l’adaptation, en mini-série prestige pour France 2, d’un best-seller mondial répondait parfaitement à cette ambition.
Bien évidemment, la rencontre avec Georges-Marc Benamou, expert et passionné d’Albert Camus et son équipe de production, ainsi que les talents derrière et devant la caméra ont conforté ce choix.
En effet, la qualité de production, la réalisation maîtrisée et moderne d’Antoine Garceau et le très beau casting nous ont séduit pour porter cette IP à l’international.
Pour finir, Oble a pour stratégie de divertir avec du sens, et The Plague est une série qui est fidèle à la libre-pensée anticonformiste d’Albert Camus. Elle souligne les dangers de notre société actuelle tout en donnant un fort message d’espoir, de liberté, d’humanité à travers ses personnages révoltés.
Le propos est on ne peut plus universel, traitant de préoccupations d’un niveau mondial. Quels sont selon vous les principaux éléments susceptibles de convaincre le public international ainsi que les acheteurs ?
Katia Sol : Les mêmes éléments qu’évoqués précédemment j’espère !
Il y a une vraie curiosité à regarder cette série avec le vécu qu’on a tous eu du Covid et le recul qu’on a maintenant. La capacité de l’être humain à oublier est assez étonnante. Regardez-nous, nous avons subi une épidémie, et pourtant quelques années plus tard, on ne porte plus de masques… Les guerres ont marqué des générations, et pourtant aujourd’hui nous faisons face à des guerres menaçant l’équilibre mondial… Cette série devrait être vue par tous, ne serait-ce que pour rappeler que l’inimaginable pourrait se reproduire, mais qu’il est possible de l’empêcher. 2030, dans six ans à partir de maintenant… est-ce ce qui nous attend ?
Cette série met en scène de vrais héros, qui montrent que l’on peut agir et changer les choses. Des héros comme vous et moi, ce n’est donc pas impossible !
Enfin, sur une note plus légère, la French Riviera, l’ambiance du sud de la France, est un élément qui plaît beaucoup au public international, y compris les acheteurs !
Vous avez présenté la série au MIPCOM, à Cannes Séries ou encore aux Rendez-vous d’Unifrance à Biarritz. Quelle est votre stratégie au niveau des ventes internationales ? Avez- vous déjà de premières pistes ?
Katia Sol : The Plague est une mini-série événementielle, nous sommes donc en discussion avec des diffuseurs linéaires en Europe et dans le reste du monde pour une diffusion "événement" durant l’été 2024 dans leur grille, mais aussi avec des streamers, qui pourront facilement marketer la série grâce à la notoriété à la fois locale et internationale du roman d’Albert Camus dont elle est adaptée.